Il me tient à coeur d'écrire ce premier "Post" autour du concept qui se révéla un coup de coeur, lors de ma rencontre avec l'analyse transactionnelle, en 2003.
Vingt ans plus tard, force est de constater que de nombreuses organisations présentent encore une économie défaillante de signes de reconnaissance. Une économie qui selon Steiner[1] est « le résultat d’un ensemble de règles édictées dans notre prime enfance que nous avons fini par adopter et que nous avons tendance à transmettre à notre tour ». Selon lui, ces modes de conduites qui restreignent l’échange de signes de reconnaissance positifs sont au nombre de cinq. Je vous propose ici de les illustrer avec des exemples issus de ma pratique.
- Ne demande pas de signes de reconnaissance ! Certaines personnes peuvent ainsi rester longtemps dans le silence sans oser demander à leur supérieur (ou à leurs collègues) les signes de reconnaissance qu’ils aimeraient obtenir. Je retiendrai ici l’hypothèse de Georges Nizard[2] qui dit que : « la personne qui ne demande rien craint le refus sans percevoir que sa non-demande équivaut à la permanence du refus. »
- Ne donne pas de signes de reconnaissance ! Certains cadres affirment encore aujourd’hui ne pas vouloir donner de signes de reconnaissance positifs de peur que les efforts de leurs collaborateurs faiblissent. Lors d’évaluations du personnel, ces mêmes cadres auront tendance à ne relever que les points problématiques et à améliorer.
- N’accepte pas les signes de reconnaissance que tu désires ! Au sein des équipes, nous entendons régulièrement des individus qui, face à un signe de reconnaissance positif donné par un patient ou un client, répliquent : « Oh, c’est normal, c’est notre métier ! » ou « Ce n’est pas grand-chose ». Dans le même ordre d’idée, lorsqu’un patient offre une boite de chocolats à la fin de son séjour, il lui arrive d’entendre l'infirmière lui dire : « Il ne fallait pas ! ».
- Ne rejette pas les signes de reconnaissance que tu ne désires pas ! Certains signes de reconnaissance négatifs inconditionnels de type « Tu es vraiment idiot », ne sont pas pour toujours contestés. Dans ma pratique, j’ai très souvent rencontré des équipes qui « buvaient de l’eau polluée » pour reprendre l’analogie de Steiner[3]. En cas d’extrême nécessité, nous avons tendance à négliger l’effet nocif de certains signes de reconnaissance dont nous avons besoin pour survivre. Des personnes acceptent ainsi l’imbuvable tout simplement parce qu’ils évoluent en plein désert de signes de reconnaissance positifs.
- Ne te donne pas de signes de reconnaissance à toi-même ! A défaut de recevoir des signes de reconnaissances et d’oser en demander, une alternative serait de s’en octroyer personnellement en se félicitant, par exemple, de l’énergie investie dans l’animation d'une réunion ou pour la façon dont on a abordé une problématique.
Autant de règles qui, si elles sont respectées ou renforcées au sein d’une organisation, créent une pénurie factice de signes de reconnaissance positifs.
Depuis plus de 20 ans, je travaille, du mieux que je puisse le faire, à renverser cette économie et je retire de ces expérimentations, trois principaux enseignements. Tout d’abord, le leader doit avant tout développer ses propres compétences à donner, recevoir, accepter ou refuser des signes de reconnaissance. Au-delà de la modélisation, il donnera ainsi les permissions à ses collaborateurs d’en faire autant. Ensuite, afin d’éviter toute forme de dépendance à son égard, le leader doit veiller à ne pas être la seule source de signes de reconnaissance et à favoriser une circulation fluide entre les membres. Enfin, d'un point de vue pédagogique, mon expérience a montré qu’il était plus impactant de faire vivre l’expérience d’échanger des signes de reconnaissance positifs que de faire de longs discours théoriques et conceptuels sur le sujet. Comme le précisait Denys Rinpoché[4] : « l’expérience rassemble, les concepts divisent ».
[1] Claude Steiner, Des scénarios et des hommes, Epi, Paris, 1974. [2] George Nizard, Analyse transactionnelle et soin infirmier, Edition Pierre Mardaga, Bruxelles, 1982. [3] Claude Steiner, Des Scénarios et des hommes, Paris, Desclée De Brouwer, 1974. [4] Denys Rinpoché, « L’expérience rassemble, les concepts divisent », Conférence donnée dans le cadre de la 7ème journée d’étude organisée par Fregat, le 30 octobre 2015 à Paris.
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