Depuis 1987, le haka est un rituel avant chaque début de match des All Blacks, équipe nationale de rugby Néo-Zélandaise. Cette danse chantée traditionnelle maorie semble être exécutée par l’équipe afin d’impressionner et de prendre un avantage psychologique sur l’adversaire. Toujours réalisée dans une parfaite coordination, le haka permet selon Félix de Montety[1], de « canaliser l’énergie des membres de l’équipe et de les mettre en confiance par la conscience de la présence à leurs côtés, d’un groupe uni dans la réalisation d’une action commune ». Une analyse inspirante qui me conduit à me poser la question suivante : « En quoi l’instauration de rituels dans une équipe est-elle bénéfique pour ses membres ? »
Avant d’y répondre, rappelons ce que l’AT[2] nous dit du rituel. Eric Berne[3] considérait le rituel comme l’une des six modalités à notre disposition pour structurer notre temps et obtenir les signes de reconnaissance dont nous avons besoin. Il définissait le rituel comme étant : « une série prévisible de transactions simples sans lien direct avec l’activité du groupe sauf lors de cérémonials et de cérémonies ». Le rituel peut être court, simple et fréquent. Il peut également exister sous une forme longue, complexe et rare. Ozenc et Hagan[4] le définissent alors comme « un ensemble d’actions qui se suivent, dans une situation donnée, selon un déroulé identique ». Mais quelles sont les raisons d’instaurer ce type de moments au sein d’une équipe ?
1. Rapprocher les individus et renforcer le sentiment d’appartenance.
La création d’un espace rassurant et structuré renforce le sentiment d’être reliés les uns aux autres. Assez souvent, le rituel permet aux membres de l’équipe de ressentir une communion et de partager quelque chose de profond ; ce qui contribue à faire grandir un collectif. Le rituel marque ainsi la vie sociale d’une équipe et constitue une coupure entre temps quotidien et temps du rituel. A cet endroit, l’intégration d’un nouveau membre est facilitée par la communication que le rituel permet et les repères rassurants qu’il propose.
2. Faire baisser le stress et l’angoisse pour surmonter un moment difficile.
A l’instar de la petite histoire lue à l’enfant chaque soir avant qu’il s’endorme, le rituel présente un effet anxiolytique, source d’apaisement. Avant une tâche stressante, le rituel peut calmer l’anxiété et permettre de meilleures performances. Par son caractère répétitif et prévisible, le rituel constitue alors un repère qui peut servir d’ancrage face à l’incertitude ou un évènement stressant.
3. Susciter l’engagement dans l’Activité.
Des chercheurs de la Harvard Business School[5] ont montré qu’un rituel collectif engendre une meilleure cohésion de groupe, qui engendre à son tour une meilleure coordination pour faire face à une activité. C’est ce que nous observons à l’issue d’un processus d’ajustement d’imago au début d’une réunion. Très souvent, ce temps qui semble « perdu » aux yeux de certains, contribue en réalité à ce que les membres se sentent ensuite suffisamment en confiance et en sécurité pour se lancer pleinement dans l’activité du groupe.
4. Augmenter la créativité.
Des rituels de créativité et d’innovation peuvent provoquer l’étincelle nécessaire pour enflammer la créativité d’une équipe. Norton et Gino[6] ont démontré à ce propos que les rituels réalisés en groupe augmentaient davantage la créativité et la cohésion que le rituel réalisé en solo.
5. Faire circuler les signes de reconnaissance.
Qu’il soit simple comme « bonjour » ou plus complexe comme « Coquelicots / Sac à dos » que je développerai lors d’un prochain Post, le rituel contribue toujours à donner et à recevoir des signes de reconnaissance. (Voir Post précédent : « Vers un libre échange des signes de reconnaissance positifs »). Certes, ceux-ci sont souvent de plus faible intensité que dans les passe-temps, les jeux psychologiques et l’intimité mais précisons ici que cette intensité peut être majorée si le rituel intègre dans ses finalités, la distribution de signes de reconnaissance positifs (à soi-même ou à autrui).
Dans ma pratique de leader ou d’intervenant, j’adopte régulièrement le rôle de facilitateur de rituel afin d’aider des équipes à symboliser des passages et à redonner du sens au collectif. J’aime aussi accompagner les équipes dans l’invention de leurs propres rituels à partir de leurs besoins et de leurs idées.
Pour Berne[7], de la soif de structure découle la soif de leadership. Je le rejoins ici sur l’idée qu’il appartient souvent au leader (formateur, intervenant, manager) de structurer le temps du groupe. J’invite donc les leaders à interroger la place des rituels dans la vie de leurs équipes et à (ré)introduire au besoin, des rituels innovants pour les raisons mises ici en lumière.
[1] F. de Montety, Pourquoi le haka aide à gagner ?, Slate, 2011 [2] AT : Analyse Transactionnelle [3] E. Berne, Structure et dynamique des Organisations et des Groupes, Les Éditions s’Analyse Transactionnelle, Caluire, 2005. [4] K. Ozenc et M. Hagan, Rituels pour le boulot, De Boeck, Paris, 2020 [5] M. Chamry et E. Malbois, Les rituels en entreprise, Éditions Eyrolles, Paris, 2022. [6] M. Norton et F. Gino, Journal of Experimental Psychology, vol. 143, n°1, 2014. [7] E. Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, Éditions d’Analyse Transactionnelle, Caluire, 2006.
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