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Dans les pays du Commonwealth, le coquelicot est un symbole à la mémoire de ceux qui sont morts durant la première guerre mondiale. Dans mon expérience, le coquelicot est un signe de reconnaissance positif (SR+) et constitue un symbole de la vie qui circule dans une équipe, un département ou un système. Les coquelicots ne poussent jamais sur des terres qui ont été maltraitées et empoisonnées par des pesticides. Ils ne se développent que sur des terres aérées et dont on a pris soins.


Le rituel "Coquelicots / Sac à dos" est largement inspiré d’un rituel nommé "Fleurs / valises" décrit par Martin Mouchard[1]et fût rebaptisé "Coquelicots / Sac à dos" dans un élan de modernité exprimé par les cadres infirmiers de notre département. Ainsi, depuis plus de six ans, nous démarrons chacune de nos réunions d'équipe bimensuelle, en donnant à tour de rôle, un SR+ – un coquelicot – à un des sept autres membres de l’équipe. Dans la foulée, nous avons la possibilité de délester notre "sac à dos" en évoquant succinctement un problème qui nous coûte particulièrement en ce moment. L'ordre des intervenants est aléatoire à l'exception du leader qui prend toujours la parole en dernier. Il est convenu que l'ensemble du processus n'excède pas quinze minutes.


Le coquelicot crée ainsi une opportunité pour chaque membre de l'équipe d'aiguiser sa compétence à donner un SR+. Idéalement, comme le souligne Chalvin[2], le SR+ doit être sincère, approprié, dosé, argumenté et personnalisé. Le coquelicot ainsi distribué permet alors à un autre membre de développer sa compétence à recevoir publiquement un SR+, sans le dévaloriser. Il arrive régulièrement qu'un cadre souhaite en donner plusieurs ; il est alors invité à donner son second coquelicot en dehors du rituel, durant la pause ou à l'issue de la réunion.


De son côté, le sac à dos permet à chacun d'évoquer une difficulté professionnelle ou personnelle (ayant un impact sur son bien-être au travail) et dire ainsi quelque chose de ses besoins à l'ensemble de l'équipe. Je fais ici l'hypothèse que si ce n'était pas dit en début de réunion, cela émergerait ultérieurement, d'une manière ou d'une autre, dans le processus de groupe. L'idée n'est pas ici d'échanger, d'explorer mais bien de nommer et de mettre de la conscience tant au niveau individuel que collectif.


A mon sens, ces deux mouvements (vers l'autre et vers soi) contribuent, au fil des réunions, à ce que les membres se mettent au diapason, à renforcer la cohésion de l'équipe et à favoriser son implication dans l'activité du groupe et ainsi honorer la raison d'être de la réunion.


Cette année, ce rituel souffle ses six bougies et le fait qu'il ait survécu aux mouvements dans l'équipe, ainsi qu'aux changements de leader, me renseigne sur sa valeur perçue et son utilité. En dehors, du processus d'ajustement d'imago, il illustre de façon concrète comment libéraliser l'échange de SR+ dans une équipe (voir post "Vers un libre échange des signes de reconnaissance positifs") et ce, de façon ritualisée (voir post "5 raisons d'instaurer un rituel dans la vie d'une équipe"). La boucle est donc bouclée !


[1]Martin Mouchard, cité in Marielle de Miribel, Diriger une bibliothèque. Un nouveau leadership, Paris, Editions duCercle de la Librairie, 2016. [2] Dominique Chalvin, Les outils de base de l’Analyse Transactionnelle, ESF Éditions, 12ème édition, 2013.

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Depuis 1987, le haka est un rituel avant chaque début de match des All Blacks, équipe nationale de rugby Néo-Zélandaise. Cette danse chantée traditionnelle maorie semble être exécutée par l’équipe afin d’impressionner et de prendre un avantage psychologique sur l’adversaire. Toujours réalisée dans une parfaite coordination, le haka permet selon Félix de Montety[1], de « canaliser l’énergie des membres de l’équipe et de les mettre en confiance par la conscience de la présence à leurs côtés, d’un groupe uni dans la réalisation d’une action commune ». Une analyse inspirante qui me conduit à me poser la question suivante : « En quoi l’instauration de rituels dans une équipe est-elle bénéfique pour ses membres ? »


Avant d’y répondre, rappelons ce que l’AT[2] nous dit du rituel. Eric Berne[3] considérait le rituel comme l’une des six modalités à notre disposition pour structurer notre temps et obtenir les signes de reconnaissance dont nous avons besoin. Il définissait le rituel comme étant : « une série prévisible de transactions simples sans lien direct avec l’activité du groupe sauf lors de cérémonials et de cérémonies ». Le rituel peut être court, simple et fréquent. Il peut également exister sous une forme longue, complexe et rare. Ozenc et Hagan[4] le définissent alors comme « un ensemble d’actions qui se suivent, dans une situation donnée, selon un déroulé identique ». Mais quelles sont les raisons d’instaurer ce type de moments au sein d’une équipe ?


1. Rapprocher les individus et renforcer le sentiment d’appartenance.

La création d’un espace rassurant et structuré renforce le sentiment d’être reliés les uns aux autres. Assez souvent, le rituel permet aux membres de l’équipe de ressentir une communion et de partager quelque chose de profond ; ce qui contribue à faire grandir un collectif. Le rituel marque ainsi la vie sociale d’une équipe et constitue une coupure entre temps quotidien et temps du rituel. A cet endroit, l’intégration d’un nouveau membre est facilitée par la communication que le rituel permet et les repères rassurants qu’il propose.


2. Faire baisser le stress et l’angoisse pour surmonter un moment difficile.

A l’instar de la petite histoire lue à l’enfant chaque soir avant qu’il s’endorme, le rituel présente un effet anxiolytique, source d’apaisement. Avant une tâche stressante, le rituel peut calmer l’anxiété et permettre de meilleures performances. Par son caractère répétitif et prévisible, le rituel constitue alors un repère qui peut servir d’ancrage face à l’incertitude ou un évènement stressant.


3. Susciter l’engagement dans l’Activité.

Des chercheurs de la Harvard Business School[5] ont montré qu’un rituel collectif engendre une meilleure cohésion de groupe, qui engendre à son tour une meilleure coordination pour faire face à une activité. C’est ce que nous observons à l’issue d’un processus d’ajustement d’imago au début d’une réunion. Très souvent, ce temps qui semble « perdu » aux yeux de certains, contribue en réalité à ce que les membres se sentent ensuite suffisamment en confiance et en sécurité pour se lancer pleinement dans l’activité du groupe.


4. Augmenter la créativité.

Des rituels de créativité et d’innovation peuvent provoquer l’étincelle nécessaire pour enflammer la créativité d’une équipe. Norton et Gino[6] ont démontré à ce propos que les rituels réalisés en groupe augmentaient davantage la créativité et la cohésion que le rituel réalisé en solo.


5. Faire circuler les signes de reconnaissance.

Qu’il soit simple comme « bonjour » ou plus complexe comme « Coquelicots / Sac à dos » que je développerai lors d’un prochain Post, le rituel contribue toujours à donner et à recevoir des signes de reconnaissance. (Voir Post précédent : « Vers un libre échange des signes de reconnaissance positifs »). Certes, ceux-ci sont souvent de plus faible intensité que dans les passe-temps, les jeux psychologiques et l’intimité mais précisons ici que cette intensité peut être majorée si le rituel intègre dans ses finalités, la distribution de signes de reconnaissance positifs (à soi-même ou à autrui).


Dans ma pratique de leader ou d’intervenant, j’adopte régulièrement le rôle de facilitateur de rituel afin d’aider des équipes à symboliser des passages et à redonner du sens au collectif. J’aime aussi accompagner les équipes dans l’invention de leurs propres rituels à partir de leurs besoins et de leurs idées.


Pour Berne[7], de la soif de structure découle la soif de leadership. Je le rejoins ici sur l’idée qu’il appartient souvent au leader (formateur, intervenant, manager) de structurer le temps du groupe. J’invite donc les leaders à interroger la place des rituels dans la vie de leurs équipes et à (ré)introduire au besoin, des rituels innovants pour les raisons mises ici en lumière.





[1] F. de Montety, Pourquoi le haka aide à gagner ?, Slate, 2011 [2] AT : Analyse Transactionnelle [3] E. Berne, Structure et dynamique des Organisations et des Groupes, Les Éditions s’Analyse Transactionnelle, Caluire, 2005. [4] K. Ozenc et M. Hagan, Rituels pour le boulot, De Boeck, Paris, 2020 [5] M. Chamry et E. Malbois, Les rituels en entreprise, Éditions Eyrolles, Paris, 2022. [6] M. Norton et F. Gino, Journal of Experimental Psychology, vol. 143, n°1, 2014. [7] E. Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe, Éditions d’Analyse Transactionnelle, Caluire, 2006.

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Il me tient à coeur d'écrire ce premier "Post" autour du concept qui se révéla un coup de coeur, lors de ma rencontre avec l'analyse transactionnelle, en 2003.

Vingt ans plus tard, force est de constater que de nombreuses organisations présentent encore une économie défaillante de signes de reconnaissance. Une économie qui selon Steiner[1] est « le résultat d’un ensemble de règles édictées dans notre prime enfance que nous avons fini par adopter et que nous avons tendance à transmettre à notre tour ». Selon lui, ces modes de conduites qui restreignent l’échange de signes de reconnaissance positifs sont au nombre de cinq. Je vous propose ici de les illustrer avec des exemples issus de ma pratique.


- Ne demande pas de signes de reconnaissance ! Certaines personnes peuvent ainsi rester longtemps dans le silence sans oser demander à leur supérieur (ou à leurs collègues) les signes de reconnaissance qu’ils aimeraient obtenir. Je retiendrai ici l’hypothèse de Georges Nizard[2] qui dit que : « la personne qui ne demande rien craint le refus sans percevoir que sa non-demande équivaut à la permanence du refus. »


- Ne donne pas de signes de reconnaissance ! Certains cadres affirment encore aujourd’hui ne pas vouloir donner de signes de reconnaissance positifs de peur que les efforts de leurs collaborateurs faiblissent. Lors d’évaluations du personnel, ces mêmes cadres auront tendance à ne relever que les points problématiques et à améliorer.


- N’accepte pas les signes de reconnaissance que tu désires ! Au sein des équipes, nous entendons régulièrement des individus qui, face à un signe de reconnaissance positif donné par un patient ou un client, répliquent : « Oh, c’est normal, c’est notre métier ! » ou « Ce n’est pas grand-chose ». Dans le même ordre d’idée, lorsqu’un patient offre une boite de chocolats à la fin de son séjour, il lui arrive d’entendre l'infirmière lui dire : « Il ne fallait pas ! ».


- Ne rejette pas les signes de reconnaissance que tu ne désires pas ! Certains signes de reconnaissance négatifs inconditionnels de type « Tu es vraiment idiot », ne sont pas pour toujours contestés. Dans ma pratique, j’ai très souvent rencontré des équipes qui « buvaient de l’eau polluée » pour reprendre l’analogie de Steiner[3]. En cas d’extrême nécessité, nous avons tendance à négliger l’effet nocif de certains signes de reconnaissance dont nous avons besoin pour survivre. Des personnes acceptent ainsi l’imbuvable tout simplement parce qu’ils évoluent en plein désert de signes de reconnaissance positifs.


- Ne te donne pas de signes de reconnaissance à toi-même ! A défaut de recevoir des signes de reconnaissances et d’oser en demander, une alternative serait de s’en octroyer personnellement en se félicitant, par exemple, de l’énergie investie dans l’animation d'une réunion ou pour la façon dont on a abordé une problématique.



Autant de règles qui, si elles sont respectées ou renforcées au sein d’une organisation, créent une pénurie factice de signes de reconnaissance positifs.


Depuis plus de 20 ans, je travaille, du mieux que je puisse le faire, à renverser cette économie et je retire de ces expérimentations, trois principaux enseignements. Tout d’abord, le leader doit avant tout développer ses propres compétences à donner, recevoir, accepter ou refuser des signes de reconnaissance. Au-delà de la modélisation, il donnera ainsi les permissions à ses collaborateurs d’en faire autant. Ensuite, afin d’éviter toute forme de dépendance à son égard, le leader doit veiller à ne pas être la seule source de signes de reconnaissance et à favoriser une circulation fluide entre les membres. Enfin, d'un point de vue pédagogique, mon expérience a montré qu’il était plus impactant de faire vivre l’expérience d’échanger des signes de reconnaissance positifs que de faire de longs discours théoriques et conceptuels sur le sujet. Comme le précisait Denys Rinpoché[4] : « l’expérience rassemble, les concepts divisent ».



[1] Claude Steiner, Des scénarios et des hommes, Epi, Paris, 1974. [2] George Nizard, Analyse transactionnelle et soin infirmier, Edition Pierre Mardaga, Bruxelles, 1982. [3] Claude Steiner, Des Scénarios et des hommes, Paris, Desclée De Brouwer, 1974. [4] Denys Rinpoché, « L’expérience rassemble, les concepts divisent », Conférence donnée dans le cadre de la 7ème journée d’étude organisée par Fregat, le 30 octobre 2015 à Paris.

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